Mai a cinquante ans et vit dans la région de Takeo, à 70 km au Sud de Phnom Penh. Elle vit dans une maison traditionnelle khmère sur pilotis, avec toute sa famille.
Elle a été formée au tissage par sa mère, à l’âge de treize-quatorze ans, lorsque les jeunes filles arrêtent l’école et qu’elles doivent apprendre un savoir qui leur sera utile.
Elle travaille avec Han, missionnaire coréen, fondateur d’une organisation basée à Phnom Penh qui développe des collections textiles en soie et coton selon des techniques artisanales, et fait travailler une centaine de familles dans la région de Takeo. Les fils sont teints par des pigments naturels à Phnom Penh puis fournis aux tisserandes, pour qu’elles puissent réaliser des étoles revendues ensuite par l’ong. Les villageoises qui adhèrent à ce programme assurent ainsi des revenus stables qui leur permettent d’améliorer leur quotidien, d’aider leurs proches et aussi favoriser la scolarisation de leurs enfants. Bientôt, Han va construire un centre de production communautaire dans le village, pour que les tisserandes aient un espace où travailler près de chez elles.
Le régime des Khmers Rouges a beaucoup nui à la pratique et la transmission du tissage dans la région de Takeo. Les plus beaux sampots hôl, sarongs et kramas y étaient réalisés, ces pièces de tissu rectangulaire de tradition millénaire, portées en toutes occasions par les Khmers. Il reste aujourd’hui quelques 8000 familles qui pratiquent le tissage dans cette province, dans les districts de Bati, Saomraong et Prey Kbba.
Après avoir ourdi et empeigné les fils sur le métier à tisser en bois, le travail de tissage peut enfin commencer. Chaque jour, dès qu’elle le peut, Mai s’installe sur son métier, au rez-de-chaussée de sa maison, entre les pilotis de l’habitation. C’est aussi le lieu de repos des paysans, bien à l’abri, à l’ombre, pour se protéger de la chaleur. Elle peut ainsi s’occuper de ses petits enfants, tout en avançant son tissage. Son sourire est communicatif et généreux. Mai tisse avec une belle énergie, entourée de toutes les générations: ses filles elles aussi tisserandes et ses petits enfants au regard curieux.