Ly May et les brodeuses Dao Rouge

6 octobre 2012

A Ta Phin, à une demi-heure de route au Nord de Sapa, la vie des populations montagnardes est rude. Parfois, on ne voit pas à un mètre, happé par un brouillard épais et persistant. Ici, Kinh (Viet), Hmong Noirs et Dao Rouges vivent ensemble. Leur quotidien est rythmé par le travail dans les rizières, les champs de maïs et l’élevage.

Ly May Chan, la chef de la tribu des Dao Rouge, m’attend à l’entrée du village. C’est une femme au regard direct et franc. Elle porte une coiffe rouge, comme une étole drapée savamment sur sa tête et une parka bien chaude sur son costume traditionnel. Très active dans la vie locale, c’est elle qui s’occupe d’accueillir les touristes, d’organiser les ventes, de gérer les commandes d’une ONG vietnamiennequi collabore avec les minorités ethniques du pays, pour développer et commercialiser des produits textiles artisanaux.

Madame Chan a toujours vécu à Ta Phin, comme ses parents avant elle.  Le peuple Dao Rouge, originellement de Chine, s’est installé progressivement au Vietnam, à partir du 12e siècle jusqu’à nos jours. La communauté de Hmongs Noirs se fait plus discrète. Moins impliqués dans le développement touristique de la région, ils connaissent des conditions de vie plus difficiles que leurs voisins Dao Rouges.

Ly May m’emmène visiter la coopérative textile. Je suis accueillie par plusieurs femmes en costume Dao, en train de broder. La broderie est une seconde nature chez ces femmes qui la pratiquent depuis leur plus jeune âge, au quotidien, presque machinalement. Sur les étals, on trouve une multitude de pièces de coton et de chanvre d’une grande finesse, dans les tons rouges, indigo, safran. Ces vêtements, ceintures ou sacs sont agrémentés de fins brocards, galons appliqués, broderies géométriques sinueuses ou de bijoux en argent.

Très bonnes commerçantes, les brodeuses sont curieuses et souriantes. De la petite mamie à la jeune maman, chacune y va de son bon mot en anglais, à l’affût des visiteurs et de leurs potentiels achats. Je suis seule ce jour-là. La vente de leurs ouvrages textiles représente pour elles une façon d’encourager la conservation et la transmission de leurs savoir-faire artisanaux et de leurs coutumes, mais aussi et surtout un moyen d’améliorer leurs revenus et de sortir de la pauvreté.

Retour Vietnam


TA PHIN, VIETNAM

Hanene, patiente brodeuse

25 novembre 2011

Hanene nous a reçus chez elle, dans son salon, pour nous montrer les merveilles qu’elle brode avec patience, jour après jour. Elle vit dans une petite maison de la ville d’Azrou, auprès de son mari et de ses enfants. Hanene réalise des pièces brodées pour des trousseaux de mariages, des parures de lit, napperons, parures de table, coussins décoratifs, selon les commandes de ses clientes et pour la décoration de sa propre maison.

Si cette brodeuse habite dans la région du Moyen Atlas, elle travaille néanmoins des ouvrages selon la tradition de la ville de Fès, réputée pour sa grande finesse et délicatesse. Il s’agit d’un point en Terz El Ghorza, technique du « point compté » pour un rendu tel un enchevêtrement de denses diagonales décoratives brodées et d’éléments floraux stylisés de façon géométrique, qui apparaissent identiques sur les deux faces. Le point de Fès vient habiller en frise des bordures de nappes, des parements de draps ou à l’inverse démarre au centre de coussins, comme une arborescence ornementale. On retrouve dans ces dessins l’esprit des arabesques qui parent l’architecture musulmane. Traditionnellement monochrome: bleue, ou encore noire, vert émeraude, ou rouge foncé sur une toile écrue ou une percale de coton blanche, cette broderie est parfois traitée en bicolore ou tricolore, notamment sur les coussins.

Hanene nous fait une petite démonstration avec des aiguilles, du fil vert, un tambour qui maintient la pièce de tissu en coton et ses mains graciles qui s’agitent. La caméra l’a beaucoup intimidée. C’est bien la première fois qu’on lui demande qui elle est, comment elle a appris la broderie. Avec un peu de temps, elle se confie sur la difficulté de ce travail, si exigeant et si précis. C’est un métier fatiguant, usant pour les yeux et les mains. Concentration, patience et habileté. Les maîtres mots. Il faut jusqu’à plusieurs mois de travail pour réaliser une parure de lit aux parements entièrement recouverts de points de broderie et qui sera vendue autour de cinq mille dirhams soit environ cinq cents euros, un prix très bas si l’on considère le temps passé et la masse de travail. Un revenu d’appoint pour Hanene qui doit donc concilier l’éducation des enfants, la tenue de la maison et les commandes de broderie.

Retour Page Maroc


AZROU, MAROC