Le rêve de Korrakod

15 juillet 2017

Ban Sao Luang est une coopérative dans un village de la région de Nan dans le Nord de la Thaïlande. Le groupe de tisserands, qui compte aujourd’hui quarante membres, a débuté en 1984 et produit principalement des textiles dans le style des ethnies Tai Yuan et Tai Lue. Au départ les artisans travaillaient principalement le coton filé main et les teintures naturelles. La forte demande pour des étoffes dans des coloris plus saturés et l’accès facilité à du coton industriel ont profondément changé la pratique des tisserands.
La communauté de tisserands est bien organisée. Les métiers à tisser appartiennent à la coopérative et les artisans ont juste à couvrir le coût des matières premières. Chaque membre cotise la somme de 120 baht (5 euros) chaque année pour constituer un fond commun qui s’élève aujourd’hui 70,000 baht (environ 1800 euros), ce qui permet de faire différentes investissements pour le bien du groupe. Ban Sao Luang s’engage aussi dans des programmes éducatifs pour encourager les élèves de l’école communale à apprendre le tissage. Les enfants démarrent autour de l’âge de 7 ans et apprennent à tisser des armures simples comme la toile puis se lancent dans la réalisation d’étoles et de châles.

A l’atelier, les membres du groupe se retrouvent au quotidien tôt le matin. Au sein de la coopérative, le jeune Korrakod Pangjai qui se fait appeler “Dream” se distingue par son parcours atypique. Le tissage est le plus souvent une pratique féminine en Thaïlande et pourtant ce jeune homme passionné d’à peine 18 ans est tombé dedans dès le plus jeune âge. Fils unique il est né à Nan et a été élevé par sa tante, une adroite tisserande qui lui a enseigné tout son savoir. Dream appartient à l’ethnie Tai Yuan qui est dominante dans la province de Nan. Cependant il inclut aussi des techniques et motifs empruntés à la tribu Tai Lue qui est aussi établie dans la région. Dans le Nord de la Thaïlande, on définit les styles textiles plutôt en fonction du village et de la province où ils sont produits que par l’origine ethnique des tisserands.
Les habitants de Nan affectionnent particulièrement des jupes portefeuilles aux tons vifs agrémentés de fils métallisés en or et argent. Pour cette raison, Dream associe librement fils en teinture naturelle et fils en teinture chimique, soie et coton, fibres synthétiques et matières naturelles. Il aime jouer entre différents répertoires de motifs et développer de nouveaux designs qui mélange la technique du brocard qu’on nomme khit et de l’ikat de trame bicolore appelé mud kan qu’il fait préparer chez une tisserande d’un autre village. Il trouve son inspiration dans des textiles anciens qu’il acquiert au long cours chez différents villageois en les échangeant contre ses propres tissages.

Dream étudie la comptabilité l’université locale de Nan. Il passe tout son temps libre à l’atelier: les weekends et parfois en semaine après l’école afin de pouvoir produire et vendre un maximum de textiles. Avec ses économies, il espère pouvoir rentrer au prestigieux Bang Sai Royal Folk Arts and Crafts Center situé dans la province d’Ayutthaya pour y perfectionner sa pratique du tissage. Il souhaiterait ensuite revenir dans son village et y ouvrir son propre atelier.


Cette histoire a été réalisée dans le cadre de l’exposition On the Line et d’un partenariat entre le Royal College of Art et le British Council.

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