A Ouagadougou, j’ai retrouvé Zakaria, pour passer une seconde journée en sa compagnie et découvrir ce qu’est le bogolan.
Bogolan signifie littéralement « fait avec la terre », de la langue bambara « bogo »: « terre » et « lan »: « issu de ».
Ce tissu à la technique de teinture si particulière est de tradition millénaire en Afrique de l’Ouest. On en trouve principalement au Mali et au Burkina Faso. A partir des années 80, le bogolan connaît un succès dans le vestiaire africain moderne, utilisé pour faire des pagnes de femmes ou des tuniques d’homme. Il apparaît également dans la décoration intérieure, comme couverture ou tenture. Il est encore pratiqué par les tribus Dogon, Bobo, Senoufos ou encore Bambaras et chaque ethnie développe son propre style et répertoire de motifs.
Le bogolan est toujours une toile de coton plus ou moins épaisse. Traditionnellement, il est composé de bandes étroites tissées manuellement sur de petits métiers et cousues ensemble.
Ce qui frappe, ce sont les couleurs si particulières et des harmonies reconnaissables entre toutes: ocre jaune, brun, noir, blanc et parfois des touches de rouge. Une apparente simplicité de tons neutres, terreux et minéraux. Zakaria me montre comment obtenir la couleur principale, cet ocre jaune, grâce à une teinture par décoction de feuilles de bouleau d’Afrique (n’galama). Plus on fait des bains, plus la couleur se densifie et prend en saturation. La pièce de tissu est ensuite séchée au soleil pour fixer la couleur.
On utilise ensuite de l’argile récupérée dans des jarres et qu’on applique au pinceau ou au stylet, à main levée ou au pochoir. C’est cette boue fermentée qui va réagir chimiquement en séchant sur la base ocre, pour donner au rinçage une couleur noire très dense et indélébile. Si les bogolans traditionnels sont bicolores et jouent seulement sur le contraste jaune-noir, il est possible d’ajouter des touches de blanc par un processus de décoloration, grâce à un mélange de chlore, savon de karité et lessive; ou encore des touches de rouge foncé, par décoction d’écorces de raisinier d’Afrique (n’pecou), ou de brun avec une teinture au néré.
Les bogolans contemporains ont un peu perdu de leur signification symbolique et de leur authenticité, pour devenir des jeux graphiques purement décoratifs. A l’origine, chaque dessin avait un sens. Il s’inspirait de la nature, d’éléments de la vie quotidienne en Afrique… Chaque pièce était destinée à un usage rituel précis comme le mariage ou la chasse.
Colorer et dessiner avec le soleil, l’eau, l’argile et les plantes pour obtenir des étoffes aux possibilités de décors infinies. Quand on découvre comment sont faits les bogolans, on comprend mieux leur force et la profondeur de leurs couleurs. Au toucher, on ressent quelque chose de vital, nourri de la terre et de la lumière d’Afrique.