Kikuo Morimoto, l’âme de l’ikat

19 avril 2012

Kikuo Morimoto porte bien sa petite soixantaine d’années. Voilà vingt ans qu’il a quitté le Japon pour venir s’installer à Siem Reap. Sa première vie, il l’a passée comme spécialiste de la production textile et c’est en visite pour une firme thailandaise à la fin des années 90 qu’il tombe en amour pour le Cambodge. A cette époque, le pays sort douloureusement de la guerre civile et de nombreux savoir-faire ont été perdus. Passionné par les textiles et la soie et lui-même peintre sur soie, il décide de monter un projet pour faire renaître le « hôl », l’ikat khmer.

L’ikat, mot indonésien qui signifie « nouer », est une technique de teinture et de tissage très spécifique. Les fils de trame du tissage sont posés sur un cadre, noués régulièrement par des lamelles de feuilles de bananier, puis passés dans des bains successifs de teinture. Les parties nouées sont préservées de la teinture et c’est ce qui forme un dessin complexe d’une grande finesse, une fois les nœuds retirés. Ces fils sont ensuite passés sur une chaîne de tissage.

Pour réaliser son projet, Kikuo Morimoto a d’abord parcouru le pays durant deux ans, pour retrouver une poignée de femmes qui connaissaient encore les subtilités du tissage traditionnel khmer. Morimoto a fondé l’IKTT, The Institute for Khmer Traditional Textiles et il emploie à ce jour huit cents personnes entre son atelier de Siem Reap et le « village de la sagesse de la forêt », à une heure de là. Le savoir-faire a été préservé et transmis à plusieurs générations de femmes.

La nature, de la terre jusqu’au tissu, selon un processus vertueux. Replanter des mûriers cultivés écologiquement, dont les feuilles nourrissent les vers à soie. Faire revivre une espèce de vers qui donne de la soie dorée, une rareté qu’on trouve seulement au Cambodge. Et enfin utiliser des teintures naturelles, en cultivant des plantes qui donnent chacune les coloris traditionnels du hôl khmer, comme le roucou qui donne des fruits épineux remplis de graines orangées, ou bien l’indigotier qui avait disparu du pays et qui donne le bleu indigo.

L’IKTT, c’est l’artisanat qui rencontre une forme de spiritualité, dans une harmonie entre l’homme et la nature. Dans sa maison dans la forêt, Kikuo Morimoto me parle de la force qui se dégage des paysages de Kyoto et que ce sentiment si prégnant de l’âme de la nature fait profondément écho à ce qu’il ressent ici en terres khmères.

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SIEM REAP, CAMBODGE