Fatima a 47 ans et vit à Ain Leuh, une petite ville du Moyen Atlas marocain. Cette femme généreuse et volontaire a vécu toute sa vie dans la région, née à Toufassalet et mariée à Boudraa. Elle porte en elle la fierté et le sens de l’hospitalité propres à la culture berbère. Son mari, lui, travaille en France à Montpellier. Ils ont six enfants.
47 ans et une vie entière de tissage derrière elle. Tisser, pour elle, c’est comme manger ou respirer: une pratique vitale, débutée à l’âge de douze ans, apprise de sa propre mère. Elle maîtrise les motifs de sa tribu, les Beni M’Guild. Elle a transmis son savoir à ses filles et chez elle, coussins, tapis, couvertures, tout a été fait de ses mains expertes. Elle réalise des burnous pour son mari et même des khaïma, des tentes traditionnelles berbères. L’hiver est rude à Ain Leuh, alors ses tissages sont en laine épaisse qu’elle file et carde elle-même.
Comme me l’a appris Abdou, la « handira », la cape, est la carte d’identité d’une femme Amazigh. Elle comporte les signes de son origine, de sa famille et de sa tribu. En regardant Fatima enfiler dignement sa cape, la préparer méthodiquement et la poser sur ses épaules, j’ai pris conscience de sa valeur. Elle a tissé la sienne à l’âge de quatorze ans. Toutes les pièces textiles qui composent le trousseau de la jeune berbère au moment de se marier sont destinées à un usage quotidien, mais comportent également une forte valeur de représentation sociale.
Selon la tradition, son métier à tisser est construit à la verticale et Fatima ne regarde jamais le résultat de ce qu’elle est en train de faire, les motifs se tissent à l’envers. Regarder ses belles mains teintes au henné se mouvoir pareilles à celles d’une harpiste, plaçant savamment les fils de trame entre les fils de chaîne pour former des motifs complexes, est un spectacle d’une beauté fascinante. Fatima me dit en Tamazight que tisser est sa façon à elle de méditer. Parfois elle se réveille la nuit, mue par une inspiration soudaine qui la force à se lever et à se mettre devant son métier, pour reproduire les motifs qui lui sont venus.