Abbes, artiste du cuir

22 août 2013

Le mot « Maroquinerie » vient du mot français « maroquin » qui à son tour vient du mot «Maroc». Il se réfère à la peau de chèvre tannée en provenance justement du Maroc, ce qui montre clairement à quel point ce pays est reconnu et connu mondialement comme le lieu pour l’artisanat du cuir.

C’était Maria Jose, une amie espagnole d’Essaouira, l’ancienne ville portugaise sur la côte atlantique, qui m’a introduite auprès d’Abbes. Cela se passait durant le mois de Ramadan. Abbes est passé maître dans en la vie tranquille d’un artisan dévoué et solitaire. Il vit et travaille dans son atelier près de Bab Doukkala, juste à l’extérieur de la médina d’Essaouira.

Son atelier a tout d’un bazar poétique: cadres contenant des photos anciennes, peintures, cages à oiseaux, tissus, dessins… Un couple de chats se promene entre les tas de cuir et divers déchets textiles qu’Abbès a recueillis auprès d’autres maroquiniers et fabricants de la ville, tandis que l’artisan travaille sur ses produits.

Cet artisan sellier s’est spécialisé dans la réalisation de sacs en patchwork de cuir et la transformation de paniers de paille: il les habille, les recouvrant de morceaux de tissus et de cuir selon sa propre inspiration. Sac à main, sacoche, sac à dos, portefeuille, panier avec une poche en cuir… Il crée toute une collection de modèles originaux, et s’adapte aux souhaits des clients. Le bouche à oreille fonctionne assez bien pour Abbès dont le travail impressionne par son authenticité et sa touche personnelle. Il m’explique qu’il a commencé le travail du cuir par hasard, en réalisant d’abord des tamis en cuir et soufflets traditionnels, avant de se lancer dans les paniers il ya une dizaine d’années, puis dans les sacs. C’est son oncle qui l’a formé, là où il a grandi, à Marrakech. Ce n’était pas une vocation, ni un rêve d’un enfant, mais les hasards de la vie qui l’ont mené à cette voie.

Abbès apparaît à la fois comme un artisan et un artiste qui utilise ses mains pour faire des pièces uniques. Il mélange habilement les couleurs, en ajoutant surpiqûres contrastées, réalisant des boutons fantaisie, jouant entre les chutes de tissus et les différents types de cuir irisé, grainé ou nappa.

Il semble prendre grand plaisir à mener cette vie libre de toutes contraintes. Abbes ne travaille pas tous les jours, et refuse de s’impliquer dans tout type de production à grande échelle. Il se met au métier selon ses envies, parfois le matin, parfois l’après-midi, quand il sent l’inspiration venir. Et le reste du temps, il lit, il se promène, il prend soin de ses chats. Il vit tout simplement.

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ESSAOUIRA, MAROC

Said, artisan babouchier

28 novembre 2011

Chez Said, on est artisan cordonnier de génération en génération. Il a été formé à ce métier par son père et ses oncles. Et c’est ce savoir qu’il espère transmettre à ses enfants quand il en aura. Les mains agiles et rapides, d’une grande précision, il maîtrise la réalisation des babouches à la perfection.

La babouche est la chaussure traditionnelle du Maghreb, généralement de forme pointue pour les hommes et arrondie pour les femmes. C’est une chaussure portée en intérieur comme en extérieur, autant par les citadins que les populations rurales. Il en existe plusieurs sortes, la plus courante au Maroc étant une version mixte, la balgha.

Said est le meilleur cordonnier d’Azrou. Il officie dans sa boutique qui présente tous les modèles qu’il réalise, dans la Kissariat datant des années 20, la place centrale qui réunit tous les artisans du cuir de la ville d’Azrou. Dans son échoppe, il doit répondre à de nombreuses commandes et travaille principalement pendant la saison d’été. La babouche est un produit estival et festif, c’est aussi la touche d’apparat qui vient parfaire les tenues de célébrations et de mariage. Durant notre conversation, plusieurs clients viennent le saluer et lui passer des commandes. Un collègue artisan se présente également. C’est lui qui fournit Said en dessus de babouches décorés à la façon berbère, avec des empiècements de couleur rebrodés de petits miroirs.

Said n’a pas changé de techniques, il confectionne toujours les chaussants selon la tradition et sur des critères de qualité bien définis. Une babouche utilise trois sortes de cuir: de la peau de chèvre à l’extérieur, de l’agneau pour l’intérieur et de la vachette pour la semelle. Jamais de plastique. Seuls les styles ont évolué à travers les années. A la manière d’un chausson de danse Repetto, les babouches sont cousues à l’envers et retournées une fois terminées.

De caractère bonhomme et communicatif, Said répond aux différentes questions tout en continuant son travail sur une pièce au dessin traditionnel d’Azrou. C’est un homme bien occupé. Il place son travail au centre de sa vie, soucieux de se fournir en cuirs de qualité auprès des tanneurs de Khenifra et de Fès qui se font de plus en plus rares. Il se montre conscient de la nécessité de travailler en permanence pour subvenir à ses besoins et de la fragilité de la transmission de son savoir-faire.

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AZROU, MAROC

La couleur du cuir à ciel ouvert

28 novembre 2011

Fès est la troisième ville du Maroc mais c’est aussi et surtout le cœur traditionnel et spirituel du pays et la ville du cuir et de la maroquinerie. Au milieu de sa médina, désignée Patrimoine de l’humanité par l’Unesco, se trouve la Chouara, le célèbre quartier des tanneurs, qui est resté intact depuis l’époque médiévale. Les Fassis (habitants de Fès) sont fiers d’avoir conservé ce savoir-faire ancestral. Les artisans du cuir continuent à teindre et traiter les peaux selon la tradition.

Il se joue dans la médina le spectacle inédit et impressionnant d’une tannerie de cuir à ciel ouvert. Des hommes qui évoluent en plein air, de cuves blanches de chaux aux bacs de couleur pour opérer cette étape de transformation des peaux animales en cuir.  Les mains nues plongées dans l’eau et les jarres de pigments, soumis aux émanations chimiques et aux odeurs écœurantes des peaux en décomposition, les tanneurs déambulent d’un bac à un autre et travaillent sans relâche. Leur métier est pénible et demande abnégation et courage. Ce sont souvent les membres d’une même famille qui travaillent ensemble et vivent près de la teinturerie.

Comment passer d’une peau de vachette, de chèvre ou de mouton à la matière cuir? C’est une véritable expérience que d’observer le ballet incessant des peaux de toutes les couleurs qui circulent, de mains en mains, empilées les unes sur les autres, étendues sur de la paille pour sécher une fois imprégnées des pigments.

Il faut plusieurs semaines pour faire passer les peaux par toutes les étapes, pour qu’elles deviennent des pièces de cuir destinées à la maroquinerie. Tout d’abord le trempage: on enlève aux peaux tous leurs poils, puis on les plonge dans l’eau claire, puis des bacs de chaux durant plusieurs semaines pour être blanchies et nettoyées. Enfin c’est l’étape du tannage pour les conserver et les assouplir: en les trempant dans le tanin, un extrait chimique de végétaux comme l’écorce de chênes ou de châtaigniers. Une fois séchées au soleil, on termine par la teinture: elles sont plongées dans des bassins de couleur pure et profonde, une explosion de teintes: rouge carmin, jaune safran, bleu roi… Les peaux peuvent enfin partir chez les artisans du cuir.

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FES, MAROC